01 octobre 2008

Réponses PHOTO N° 199 : Eloge du négatif

Le dernier Réponse Photo est sorti... il y a déjà quelques jours. C'est un N° spécial N&B. Nous allons donc être certainement beaucoup à aller l'acheter... vu le nombre d'amateur de N&B sur notre blog, n'est-ce pas Michel :-)

A la dernier page, il y a une tribune, que j'ai beaucoup aimé. Aussi, pour ceux qui n'ont pas acheté ce N°, je vous propose de la lire ci dessous.

Eloge du Négatif

Jeune photographe publié dans notre rubrique nouveau regard (RP172), Hervé Baudat nous livre un texte poétique sur l'essence du noir et blanc argentique. 

Toutes ces années de photographies, les négatifs se sont empilés au fond du placard, dans les tiroirs... Cela fait déjà beaucoup pour une simple vie... Sur les planches-contact, je retrouve des visages, des chambres inconnues, des morceaux de corps, des oiseaux dans les cieux déserts. Les souvenirs sont à l'abattoir, détruits, mais les négatifs sont là, témoins de l'ombre: les amis, les passades, les amours perdus ressurgissent, cela chamboule un peu tout -je chancelle. Je ne range pas mes négatifs, j'aime le désordre, les herbes folles, les orties d'un jardin de mémoire. On cherche une image on tombe sur une autre. C'est un jeu de cartes distribué à soi-même; et on peut dire je passe. faire le mort. Celui-ci est rayé. J'ignore bien comment. Une strie, une cicatrice sur les grains d'argent. Voilà bien pourquoi je ne ferai jamais de numérique. Je me plais trop à penser que, comme nous, nos films ressentent l'usure du temps. à nos côtés, chaque seconde, chaque heure, chaque année. Lentement, lentement, dans le fond de la maison, les négatifs se rident. Ce qui ne vieillit pas n'existe pas. Le fichier numérique ne se corne pas, ne se déchire pas, ne s'abime pas, ne redoute ni la gerçure, ni le grand soleil. On ne peut pas le rafistoler, y mettre des bouts de sparadraps, en faire des confettis un soir de désespoir, renverser sa tasse de café dessus. JI ne peut réellement entrer dans nos vies, ou bien comme un fantôme vide n'ayant jamais eu de chair ni d'histoire. La course au néant sûrement et inlassablement se poursuit.
A chaque saison, de nouveaux boîtiers se succèdent, s'effacent les uns les autres. C'est sans fin, cela ne s'arrête pas. Voyez-vous, jeunes gens, de nos jours on conserve plus longtemps dans son existence son aspirateur que son appareil digital. Oui je sais on ne reviendra pas en arrière... petit, c'est le progrès. Si je lançais une pétition genre: tous ensemble balançons nos numériques par-dessus la falaise, il n'y aurait pas grand monde mais ça aurait de la gueule, hein? Bon, soixante millions de pixels au compteur pour le dernier cri, ce n'est même pas que cela soit déraisonnable mais enfin en restera-t-il ne serait-ce qu'un seul qui traînera dans le coin d'un grenier au milieu de la poussière? Quelle blague! C'est comme en 2049 après la guerre espérer retrouver la trace de ses pas dans la neige. 

1 commentaire:

Sidonie a dit…

C'est superbe, et vrai. Je peux comprendre tout ce qu'il expose ici, parce que j'ai un peu ... beaucoup ... ce côté nostalgique qui nourrit parfois mes images :)
Le côté "tactile et concret" ne remplacera jamais de côté "virtuel et abstrait" mais comme il le dit, "petit ... c'est le progrès ..."